Contrairement à ce résultat électoral, au moins le film Le Jour de la marmotte était gratifiant
En 1993, Bill Murray a joué dans le film Le Jour de la marmotte, à propos un homme qui se réveille chaque matin pour constater qu’il est de retour au début de la journée précédente, voué à répéter les mêmes événements encore et encore. Le Jour de la marmotte a coûté 19 millions de dollars à produire il y a 25 ans, ou 36 millions de dollars en dollars actuels: une aubaine, si l’on considère le prix de la version 2021, alias la 44e élection fédérale du Canada, qui devrait coûter plus de 600 millions de dollars. Le film était également beaucoup plus drôle, mettait en scène moins d’hostilité et se terminait de façon plus heureuse.Commençons par le premier ministre libéral Justin Trudeau. Même s’il a conservé le pouvoir, sa situation n’a guère changée: à la mi-journée mardi, les libéraux étaient en tête ou élus dans 158 sièges, un de plus qu’à la dissolution de la dernière législature. Cela aurait pu être pire: s’ils avaient gagné moins, les couteaux auraient sans doute volé bas au Parti libéral. À 32% du vote populaire, 900 000 de moins que le parti obtenu en 2019, les résultats sont une mise en accusation claire de la décision de Trudeau de déclencher ces élections. Cependant, comme l’a dit le chroniqueur de Maclean’s, Paul Wells, une victoire est une victoire, et il y a probablement fort à parier que Trudeau dirigera non seulement le prochain gouvernement, mais dirigera le parti aux prochaines élections, Dieu sait quand.Pour le chef conservateur Erin O’Toole, c’est une autre histoire. Avant même que tous les bulletins de vote ne soient déposés lundi, ses conseillers affirmaient déjà que d’empêcher une majorité pour Trudeau compterait comme une «victoire» des conservateurs, un message défaitiste s’il en est. Avec 800 000 voix de moins qu’en 2019, les conservateurs n’ont pas perdu autant de soutien que les libéraux. Et ils ont de nouveau remporté le vote populaire, avec 34%. Mais leur nombre de sièges de 119 ne s’est pas non plus amélioré (ils en ont remporté 121 en 2019). La question pour le parti est maintenant: était-ce le message ou le messager? O’Toole a tenté de déplacer les conservateurs vers le centre, chassant les électeurs libéraux, mais il l’a fait après avoir remporté la direction du parti en faisant campagne à la droite de ses rivaux conservateurs. Les électeurs de droite se sentant aliénés avaient d’autres options, comme le Parti populaire du Canada de Maxime Bernier, combinant un sentiment anti-vaccin et anti-gouvernemental pour aller chercher suffisamment d’électeurs pour gâcher les espoirs des conservateurs dans jusqu’à 25 circonscriptions à travers le pays.Ensuite, il y a Jagmeet Singh du NPD. Avec l’effondrement du Parti vert d’Annamie Paul (y compris Paul perdant sa propre candidature pour un siège), on pourrait penser que le NPD aurait fait des gains plus importants. Mais selon le décompte le plus récent, il avait obtenu 18% du vote populaire, contre 16% en 2019, et 25 sièges – une augmentation d’un seul. C’était loin de la vague orange que Singh espérait inspirer avec ses innombrables clips sur TikTok. Le NPD demeure à toute fin pratique absent au Québec et n’a pas progressé dans les marchés clés de Toronto et de ses banlieues du 905, ce qui explique aussi pourquoi les libéraux ont conservé ces circonscriptions. Mais Singh est susceptible de demeurer à la tête de la formation, en partie parce qu’il a réussi à conserver l’équilibre des pouvoirs du parti à la Chambre.Enfin, il y a Yves-François Blanchet du Bloc québécois. Au cours des derniers jours de la campagne, les prédictions d’une montée en puissance du Bloc étaient nombreuses, motivées par la désormais célèbre question posée à Blanchet lors du débat des chefs en anglais au sujet de son soutien à deux lois provinciales jugées «discriminatoires» au Québec. Mais au lieu d’un tsunami, la controverse n'a produit que de petites vaguelettes, laissant le parti avec 34 sièges au nouveau Parlement, bien loin des 40 qu’il cherchait à gagner au début de la course. Des voix se plaignaient déjà de la position impopulaire de Blanchet sur un projet de tunnel sous-marin au Québec; son leadership pourrait être en jeu dans les mois à venir.La grande question pour la prochaine fois est: remplacer les personnages changera-t-il l’intrigue? Espérons que d’ici les prochaines élections fédérales, la pandémie sera chose du passé, mais les crises d’accessibilité financière, d’inégalité et de division qu’elle a alimentées persisteront sans doute. Et c’est quelque chose que tous les partis doivent garder à l’esprit lorsqu’ils réfléchissent à qui devrait les diriger – homme ou femme.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post