Libéraux et conservateurs s'unissent pour défendre le français – contre les entreprises

Vous n'avez pas entendu parler du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles? Ne vous en faites pas, cela n'a guère fait la une des journaux. Alors que les députés s’époumonaient sur des questions aussi importantes que la refonte des passeports et les voyages des premiers ministres, le projet de loi C-13 est discrètement devenu loi, dans un rare moment de quasi-unanimité. Un seul député, le libéral Anthony Housefather, a voté contre. La ministre qui a déposé le projet de loi, Ginette Petitpas Taylor, s'est exclamée: «C'est vraiment un jour historique. C'est un jour vraiment important pour cette législation et un jour important pour notre pays.»Alors que fait cette loi dont vous n'avez pas entendu parler? Beaucoup. Elle pourrait affecter vos possibilités d'emploi, l'accès aux services fédéraux, les droits linguistiques et les tendances en matière d'immigration à travers tout le pays. Tout cela au nom du gain politique.L'impulsion derrière le projet de loi C-13 est le déclin des populations francophones hors Québec. En 2021, Statistique Canada a rapporté que le pourcentage de Canadiens qui parlent principalement le français à la maison est tombé à 19,2%, contre 20% en 2016, dans toutes les provinces sauf le Yukon. Cette tendance était déjà évidente des années auparavant, alors en 2019, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a annoncé un plan pour stimuler l'immigration francophone dans les régions du Canada à l'extérieur du Québec, augmentant la part d'immigrants francophones à 4,4% d'ici 2023, contre 3,6% en 2021.C’est ici qu’entre en jeu le projet de loi C-13. Il établit des objectifs pour amener plus d'immigrants francophones dans les régions francophones du ROC, augmente la protection des francophones dans les régions anglophones et de la minorité anglophone au Québec, et accroit l'accès aux écoles d'immersion française, ainsi qu'à l'enseignement en anglais au Québec et dans d'autres régions francophones du Canada.Sur papier, cela devrait être une bonne nouvelle pour les communautés linguistiques minoritaires. Mais il y a une grosse mouche dans la pommade: une loi québécoise appelée la loi 96.Cette loi, adoptée par l'Assemblée nationale du Québec en 2022, visait à enrayer le déclin du français au Québec, où un Québécois sur dix déclare désormais parler anglais à la maison. Le projet de loi 96 impose des exigences strictes en matière de français aux entreprises de plus de 25 employés, notamment en adoptant un programme de francisation faisant du français la langue de travail dominante. Le projet de loi 96 a été dénoncé par des groupes d'affaires au Québec, y compris le secteur de la technologie, qui ont signé une lettre ouverte au premier ministre François Legault demandant que le projet de loi soit retardé et déplorant son manque de consultation.Ces dispositions du projet de loi 96 ont maintenant été intégrées au projet de loi C-13. Les entreprises des secteurs comme la finance, les télécommunications et le transport devront s'assurer que les travailleurs francophones peuvent travailler entièrement en français. Le commissaire aux langues officielles aura le pouvoir d'imposer des sanctions financières pouvant aller jusqu'à 25 000 $ pour non-respect des lois linguistiques et il y aura également une surveillance plus étroite des lieux de travail fédéraux pour s'assurer qu'ils sont vraiment bilingues. Le directeur parlementaire du budget estime que le coût de la conformité pour les entreprises atteindra au moins 240 millions de dollars, bien loin des 16 millions de dollars que le gouvernement a inclus dans le budget 2022-2023.L'ironie est qu'il existe déjà une énorme demande pour des travailleurs francophones dans le reste du Canada. Statistique Canada signale une grave pénurie de candidats bilingues pour des emplois dans des secteurs allant de la technologie financière à la pharmacie, en passant par les ventes et les ressources humaines. L'Association canadienne des professionnels de l'immersion a signalé un déficit de 10 000 enseignants qualifiés (dont le français est la seconde langue) à l'échelle nationale. Et le français est payant: les demandeurs d'emploi bilingues peuvent généralement bénéficier d'une prime salariale de 10 à 30% supérieure à celle des candidats unilingues anglophones.Accroître l'immigration pour aider à pourvoir ces emplois est logique: forcer des entreprises supplémentaires à adopter des exigences linguistiques dispendieuses pour créer plus d'emplois ne l'est pas. Et ces exigences pourraient créer un contrecoup, car elles désavantageront activement les anglophones unilingues. Le chroniqueur du National Post, John Ivison, a récemment interviewé le juge à la retraite de la Cour fédérale, Peter Annis, qui craint que «le Canada ne se retrouve dans une relation de type belge entre deux groupes de langue officielle en hostilité ouverte l'un envers l'autre, ou pire, dans un nouveau pays appelé Canada-Ouest.»La dernière chose dont le Canada a besoin est une reprise des guerres linguistiques anglais-français. Mais avec tous les partis à la recherche de votes au Québec lors des prochaines élections, le projet de loi C-13 a été adopté sans heurt. Il est ironique que les Canadiens se plaignent que nos politiques polarisées produisent de mauvaises lois. Parfois, le consensus peut être tout aussi mauvais, voire pire.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post

Previous
Previous

Trudeau has lost the right to criticize Italy's PM Giorgia Meloni

Next
Next

Liberals, Conservatives unite to defend French, and against business