Les problèmes de la PCU sont de mauvais augures pour les partisans d’un revenu universel de base
Lorsque le Parlement reprendra le travail dans les semaines qui viennent, l’un des premiers ordres du jour du gouvernement libéral sera celui du dépôt d’un énoncé économique pour l’automne. Les attentes comprennent des éléments aussi coûteux qu’un réseau national de garderies, probablement financées par une proposition de taxe de 3% sur les institutions financières et les compagnies d’assurance. Mais la plus grande question pour le nouveau gouvernement sera peut-être combien de temps il a l’intention de maintenir en place les paiements de soutien en cas de pandémie, et s’il ira encore plus loin, vers une version plus permanente d’un soutien du revenu annuel – un revenu de base garanti, comme le NPD le préconise.Depuis 18 mois maintenant, les chômeurs canadiens reçoivent des sommes d’argent sans précédent de la part du gouvernement. Premièrement, Ottawa a déboursé 74 milliards de dollars pour la Prestation canadienne d’urgence (PCU) de mars à septembre 2020. Le programme s’est ensuite transformé en Prestation canadienne de la relance économique (PCRE), qui a coûté 26,1 milliards de dollars supplémentaires depuis septembre 2021. Enfin, le gouvernement a prolongé la PCRE jusqu’au 23 octobre de cette année, pour 2,2 milliards de dollars supplémentaires.Tout cet argent a fait bien plus que garder les gens à flot. Il a également transformé le marché du travail. Partout au Canada, les employeurs ont commencé à signaler des pénuries de main-d’œuvre. Les employeurs agricoles ont constaté que les employés potentiels ne se présentaient même pas aux entrevues. L’industrie hôtelière a signalé le même phénomène. Un récent sondage de la Banque de développement du Canada auprès de 1251 petites et moyennes entreprises a révélé que 55% d’entre elles ont du mal à embaucher les travailleurs dont elles ont besoin, ce qui entrave la croissance et oblige les entreprises à retarder ou à refuser de nouvelles commandes. Pour reprendre les termes d’un employeur frustré qui offre actuellement à ses employés 65% de plus que le salaire minimum, «les gens ne veulent pas travailler, en particulier dans les secteurs de l’agriculture ou de ceux qui offrent des emplois à forte intensité physique». Il a ajouté: «Si le RUB (revenu universel de base) entre en vigueur, ce sera la fin de l’agriculture.»La grande raison pour laquelle un énoncé économique d’automne sera si important est de voir si les libéraux sont prêts à étendre leur expérience avec la PCRE à un éventuel RUB. Il ne faut pas grand-chose pour franchir le pas, et c’est celui que certains politiciens meurent d’envie de faire. Le NPD s’est fait beaucoup entendre durant la campagne avec son appel à un revenu de subsistance garanti, en commençant par les personnes âgées et les personnes handicapées. Que le parti puisse utiliser cela comme monnaie d’échange dépend si les libéraux peuvent compter sur le Bloc — qui n’a fait aucune mention d’un revenu garanti — pour soutenir leurs mesures économiques.Mais il y a aussi un soutien pour l’idée au sein même des rangs libéraux. Il n’a peut-être pas été intégré au programme du parti, mais lors du dernier congrès libéral, en avril 2021, 77% des délégués ont soutenu la résolution suivante: «Compte tenu du succès du programme de la PCU, un RUB aidera les personnes âgées et les Canadiens à faible revenus (à) maintenir un niveau de vie adéquat, quel que soit leur statut de travail.»L’utilisation du terme «succès» ici est un peu douteuse. Les économistes de l’Institut Fraser ont rapporté qu’un million de jeunes Canadiens gagnaient plus par mois en percevant la PCU et en ne travaillant pas en 2020 que leur revenu mensuel d’avant la pandémie. D’autres recherches ont montré que la PCRE avait un effet dissuasif pour certaines personnes d’accepter plus de travail. Le premier ministre du Québec, François Legault, a été encore plus direct: «Je pense qu’il faut le dire, la PCRE et la PCU ont été un problème.… Il y avait une dissuasion d’aller travailler parce que l’on pouvait recevoir un beau chèque facilement tout en restant à la maison.»S’il y a eu un point positif à la PCRE et la PCU, c’est qu’elles étaient un cas de test parfait pour expliquer pourquoi un RUB est une idée dont le temps n’est pas encore venu. Outre le prix à payer pour un revenu universel, que le directeur parlementaire du budget a fixé à 85 milliards de dollars en 2021-2022, pour passer à 93 milliards de dollars en 2025-2026, en créer un maintenant entraverait la croissance économique au moment même où cette croissance est absolument nécessaire. Les partisans du RUB peuvent bien rétorquer que les employeurs devraient simplement payer davantage les travailleurs, mais sans croissance, il est difficile de voir d’où viendront comme par magie ces plus gros chèques de paie.Cela n’a également aucun sens de mettre en place un RUB lorsque les gouvernements offrent d’autres soutiens au revenu, tels que les subventions pour la garde d’enfants. Soit les gouvernements souscrivent à «l’argument de l’efficacité», selon lequel le RUB remplace une mosaïque d’autres soutiens, soit ils continuent de fournir une aide ciblée en fonction des circonstances et des besoins individuels.Si l’on valorise vraiment «l’équité», on doit y penser deux fois avant de mettre en place un RUB. Dans une société aussi diversifiée d’un point de vue géographique, économique et industriel que celle du Canada, une approche unique du soutien du revenu est en fait moins équitable qu’une aide à ceux et celles qui en ont vraiment besoin. Voilà matière à réflexion pour les progressistes, alors que le débat sur le RUB se déroule.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post