Les nationalistes québécois ont exploité les divisions sur la minorité à des fins électorales
Lorsque l’auteur Hugh MacLennan a écrit son célèbre roman Two Solitudes en 1945, le terme est devenu synonyme de la division sociale et culturelle entre le Canada français et le Canada anglais. Ce fossé s’est creusé au fil des ans, atteignant son apogée lors du référendum sur la séparation du Québec de 1995, lorsque la province est passée à deux doigts de dire bye-bye au reste du Canada. Depuis, l’appui à un Québec souverain s’est estompé — un sondage publié l’automne dernier l’établissait à 36% — mais l’appui à la nation québécoise demeure bien vivant, comme en témoignent les événements de nos dernières élections fédérales.Le fossé s’est à nouveau ouvert lors du dernier débat des chefs anglophone. Lorsque la modératrice Shachi Kurl a demandé au chef du Bloc Québécois Yves-François Blanchet pourquoi il appuyait les projets de loi 21 et 96, deux lois provinciales qu’elle jugeait «discriminatoires», elle aurait tout aussi bien pu lancer une grenade dans toute la classe médiatique et politique québécoise. Le premier ministre François Legault a exigé des excuses, la question de Kurl a été qualifiée de «tordue et insipide», et Kurl a fait l’objet de caricatures dans les quotidiens francophones dont une dans laquelle elle disait qu’«il y a sept millions de racistes (au Québec) et l’autre million, ce sont des anglophones». Pourtant, dans le reste du Canada, beaucoup étaient perplexes devant ce qui leur semblait être une simple déclaration factuelle au sujet de deux lois qui restreignent les droits et libertés en fonction de choix religieux et de capacités linguistiques.Comment expliquer ces réactions opposées? Par quelque chose que la solitude canadienne-anglaise oublie: le fait que la solitude québécoise est elle-même minoritaire. Un peu moins de sept millions de francophones habitent le Québec, ce qui représente 85% de sa population. Mais au Canada, les francophones du Québec représentent un peu plus de 19% de la population; en Amérique du Nord, un mince 1,2%. Ce statut minoritaire nourrit le réflexe nationaliste québécois, qui cherche à protéger le «fait français» (langue, culture et société) contre un véritable tsunami d’anglais.Cette protection a toujours limité les droits des minorités à l’intérieur de la province. Dans les années 1970, elle s’est concentrée sur la population anglophone de la province, qui était principalement d’origine britannique. Le projet de loi 101, connu officiellement sous le nom de Charte de la langue française, obligeait les entreprises à fonctionner en français, les enfants à fréquenter les écoles francophones, à moins qu’un parent n’ait fréquenté une école anglophone au Québec, et les détaillants à s’afficher uniquement ou principalement en français. Face à ces exigences, de nombreux anglophones ont voté avec leurs pieds; plus de 500 000 ont quitté le Québec au cours des 40 dernières années.Aujourd’hui, la cible de Québec s’est déplacée vers les allophones, ou comme cela a été jugé dans la tristement célèbre diatribe de la soirée référendaire du regretté chef péquiste Jacques Parizeau, «le vote ethnique». Les allophones sont des personnes dont la langue maternelle n’est ni l’anglais ni le français; ils sont pour la plupart issus de minorités visibles ou non européennes, et dans le reste du pays, ils seraient probablement qualifiées de «nouveaux Canadiens». Ils représentaient 12,6% de la population du Québec en 2016, un chiffre qui devrait plus que doubler pour atteindre 26,2% d’ici 2030. Le gouvernement du Québec craint qu’à moins d’adopter le français comme langue de travail et langue parlée au foyer, le fait français et l’avenir du Québec en tant que une société francophone, s’érodera.Mais les allophones occupent une place bien différente des anglophones au Canada anglais. Les allophones sont également confrontés à des préjugés potentiels dans le reste du pays, tels que le racisme et l’islamophobie. Ils ne peuvent pas simplement «échapper» à la discrimination en s’installant dans d’autres régions du Canada, comme les anglophones l’ont fait dans les années 1970. Et dans le «reste du Canada», beaucoup sont à l’avant-garde du mouvement radical pour l’équité, la diversité et l’inclusion, exigeant des changements de la part du gouvernement et des entreprises pour éradiquer la discrimination raciale de longue date.Cette «troisième solitude» allophone se trouve ainsi en porte-à-faux avec les deux autres — et les politiciens du Canada français et anglais ne sont que trop désireux d’exploiter cette faille à des fins partisanes. Cela ne doit pas se produire. Tant pour le Canada français que pour le Canada anglais, les allophones représentent l’avenir, surtout à la lumière de la chute des taux de natalité. Nos dirigeants doivent trouver une façon de résoudre la quadrature du cercle de la préservation culturelle et linguistique du Québec, des droits des minorités à ne pas subir de discrimination, et de la nécessité pour les trois solitudes de se comprendre, si le Canada veut poursuivre son cheminement en tant que pays uni. Bien que cette élection ait mis ce défi à nu, ce dernier restera longtemps après le dépouillement des bulletins de vote.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post