Le contrôle parlementaire est plus important que jamais. Et Trudeau l’évite
Le Parlement du Canada reprendra ses travaux le 22 novembre, deux mois complets après les récentes élections fédérales. C’est une longue attente, surtout pour un gouvernement libéral qui ressemble de façon étonnante à celui qui vient de quitter le pouvoir. La composition du nouveau cabinet ne sera même pas dévoilée avant le 26 octobre. Alors que trois ministres ont perdu leur siège, on pourrait penser que le premier ministre Justin Trudeau aurait déjà préparé une sorte de liste informelle des ministres potentiels. Bien sûr, il y a eu cette pause à Tofino – mais quand même, au nom d’un public qui n’a pas pris beaucoup de vacances ces derniers temps, il est raisonnable de se demander: combien de temps nos politiciens passent-ils réellement au travail?Beaucoup moins qu’avant, du moins en ce qui concerne les jours de séance à la Chambre des communes, selon une analyse récente du Globe and Mail. À ce jour cette année, la Chambre a siégé pendant 76 jours, et 20 autres sont prévus, pour un total de 96. Le dernier Parlement n’a pas vu beaucoup d’action non plus, siégeant pendant 86 jours en 2020. Et la Chambre a siégé pendant seulement 75 jours en 2019. De 2016 à 2020, elle a siégé 105,6 jours en moyenne, contre une moyenne de 123 jours par an de 1975 à 2015, et 138 jours par an de 1945 à 1975.Ajoutez la pandémie au mélange, avec des séances hybrides virtuelles/en personne, et il n’est pas étonnant que l’opposition crie au scandale. Le leader parlementaire du Bloc Québécois, Alain Therrien, l’a résumé ainsi: «Ils (les libéraux) n’aiment pas être au Parlement. C’est comme si on les dérangeait... Lors de la dernière session, il n’y avait souvent qu’un seul député libéral dans la Chambre... Le calendrier législatif était très léger. Il ne se passait pas grand-chose. Et maintenant, nous voyons que cela continue.»Quelle est l’importance des jours de séance? Fondamentalement, cela se résume à deux choses: la qualité du débat législatif et l’examen public. Le travail d’un gouvernement est d’adopter des lois, ostensiblement pour le bien de la nation; pour ce faire, il doit soumettre sa législation à un examen approfondi et à une critique par les partis d’opposition, les médias et le public. Même un gouvernement majoritaire, qui peut adopter à peu près tout ce qu’il veut, doit s’y soumettre. Sans cela, nous glissons vers la dictature. Les mécanismes de contrôles politiques défendent l’intérêt public; sans débat et sans examen, il est impossible de demander des comptes au gouvernement, surtout la prochaine fois que les gens iront aux urnes.Bien entendu, la responsabilité dépend aussi de la disponibilité de l’information. Aujourd’hui, les affaires d’Ottawa sont publiées et télévisées, mais cela n’a pas toujours été le cas. Les débats de la Chambre des communes n’ont été officiellement enregistrés qu’en 1875. Jusque-là, les journaux rapportaient les échanges, mais pas toujours avec précision ou sans parti pris politique. Par conséquent, certains députés ont plaidé pour une publication «neutre», qui deviendrait éventuellement le compte rendu quotidien. Le principal obstacle à l’époque était le coût, estimé à 12 000 $ (276 400 $ en argent d’aujourd’hui), pour ce que certains estimaient être de peu d’intérêt pour le grand public. La transparence a finalement prévalu.Les caméras ont été introduites un siècle plus tard, provoquant un nouveau débat sur le coût (la Chambre a dépensé 5 millions de dollars pour installer un système de diffusion). Et tandis que la télévision a démocratisé davantage l’accès, les critiques ont fait valoir qu’elle augmentait également la théâtralité et la partisannerie, diminuant du coup le sérieux des débats.Dans notre culture de l’information 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, cependant, il est impossible d’imaginer un retour à moins de contrôle. Au contraire, il est devenu accepté, comme le dit le slogan du Washington Post, que «la démocratie meurt dans les ténèbres». C’est encore plus vrai pour la 44e législature du Canada, où l’éclairage des projecteurs de la vérité fait cruellement défaut. Des mesures de secours en cas de pandémie aux plans nationaux de garderies, en passant par les changements climatiques et la réconciliation autochtone, les députés ont du pain sur la planche.Alors que le Canada émerge du nuage de la COVID-19 dans un monde de pénuries d’approvisionnement, d’endettement vertigineux et d’inflation croissante, l’élaboration de la législation doit être plus réfléchie et mieux informée que jamais. Si Trudeau a l’intention de faire fonctionner ce Parlement au cours des prochaines années, alors c’est ce que ses membres devraient faire – travailler. Cela commence par plus – pas moins – de jours de séance à la Chambre des communes.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post