La fin des mesures frontalières liées à la COVID-19 pourrait être une épée à double tranchant pour les conservateurs
Pour de nombreux voyageurs fatigués des restrictions pandémiques, le ciel canadien est devenu beaucoup plus convivial. La semaine dernière, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il lèverait les restrictions liées à la COVID-19, y compris l’obligation du port du masque dans les avions et l'utilisation obligatoire de l'application ArriveCAN, à la fin de ce mois. Les applaudissements venant non seulement d'un public voyageur fatigué, mais d’une industrie du voyage qui a du mal à se rétablir depuis que la pandémie l'a décimée il y a deux ans et demie, ne se sont pas fait attendre.Le premier ministre Justin Trudeau a justifié sa décision en se basant sur la science. «À chaque étape du processus, nous avons pris des décisions basées sur les meilleures recommandations d'experts, de scientifiques, de médecins, et la recommandation était que les mesures aux frontières ne sont plus nécessaires pour le moment.»D'autres politiciens ont un point de vue différent. Les conservateurs fédéraux s'attribuent le mérite de la décision du gouvernement d'abandonner les mesures qu'ils réclament depuis des mois. Cette semaine, le nouveau chef du parti, Pierre Poilievre, a fustigé le gouvernement pour ne pas avoir agi immédiatement, car il a été révélé que les équipes d'urgence venant du Maine pour aider la Nouvelle-Écosse à faire face à la tempête post-tropicale Fiona avaient été stoppées en raison de problèmes avec leurs applications ArriveCAN. Pendant ce temps, quatre autres députés conservateurs – Larry Brock, Melissa Lantsman, Rob Moore et Alex Ruff – ont signé une lettre ouverte au ministre de la Justice David Lametti demandant au gouvernement de mettre fin aux poursuites et de rembourser les amendes payées par les Canadiens qui n'ont pas utilisé ArriveCAN, en plus de s'excuser d’avoir rendu obligatoire l’utilisation d’une application plus ou moins efficace.Alors, est-ce la politique ou la science qui a poussé le gouvernement à agir? Comme le virus lui-même, cette science a évolué au cours des deux dernières années. À certains égards, c'est pire que nous ne le pensions: une étude publiée en juillet réalisée auprès de 5,6 millions anciens combattants américains a révélé que la COVID-19 n'est pas comme un simple rhume que vous pouvez attraper plusieurs fois sans conséquences à long terme. Chaque épisode d'infection augmente vos risques de problèmes cardiaques, de fatigue chronique, de troubles digestifs et rénaux, de diabète et de problèmes neurologiques. En d'autres termes, les infections multiples ne vous immunisent pas nécessairement, mais peuvent vous rendre plus malade.En même temps, on ne sait pas dans quelle mesure le port obligatoire du masque dans les avions et la preuve de vaccination freineront l'infection alors que la plupart des transmissions sont désormais domestiques. Partout dans le monde, il y a peu de cohérence dans l'approche. L'Australie abandonne le port obligatoire du masque sur les avions à la fin de ce mois. L'Allemagne, elle, le prolonge jusqu'en avril 2023. Le Canada abandonne son exigence de preuve de vaccination. Les États-Unis le maintiennent. Etc.Ici, chez nous, la pression politique a sans aucun doute joué un rôle dans la décision du gouvernement, mais les conservateurs ne devraient pas célébrer trop tôt. La victoire est une épée à double tranchant: oui, vous obtenez le résultat politique pour lequel vous vous êtes battu, mais vous n'en obtiendrez pas nécessairement le mérite. Le NPD ne connaît que trop bien la chanson: les libéraux ont mis en œuvre (lire: volé) bon nombre de leurs idées politiques au fil des ans et en ont récolté les fruits électoraux. La dernière politique du NPD qu'ils sont en train d'adopter est celle concernant des soins dentaires nationaux, qui fait partie de l'accord que Trudeau a conclu avec Jagmeet Singh plus tôt cette année pour rester au pouvoir jusqu'en 2025. Si vous pensez que le NPD en tirera un quelconque avantage électoral, j'ai un pont, une couronne et un traitement de canal à vous vendre.La fin des mesures sanitaires pour les compagnies aériennes signifie également que la question se retrouve maintenant hors propos, politiquement parlant. Une fois que les électeurs conservateurs seront libérés des mesures sanitaires visant les voyageurs, pour quoi se battront-ils et pour qui voteront-ils?Si la tenue d’une élection n’a vraiment lieu que dans plus de deux ans, la vraie question du scrutin n'est peut-être pas la liberté, mais plutôt la sécurité – comme dans: sécurité économique. Alors que les devises chutent, que les taux d'intérêt augmentent et que la croissance vacille, les Canadiens font face à deux très mauvaises années. La dette des ménages atteint des niveaux presque records. Les propriétaires ayant des hypothèques variables pourraient être contraints de vendre ou faire face à un défaut de paiement. Les trentenaires coincés dans le sous-sol de leurs parents y seront toujours – en supposant que leurs parents aient un sous-sol où ils peuvent être coincés.Ce sont les problèmes essentiels auxquels les politiciens devront s'attaquer. Les conservateurs feraient mieux d'avoir une politique solide d’ici là. Cela rend presque futile le débat sur l'opportunité de porter un masque dans un avion en comparaison.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post