La coûteuse taxe sur le carbone des libéraux pourrait être la voie vers le pouvoir de Poilievre
Avec tous les problèmes qui virevoltent ces jours-ci à Ottawa, il est difficile de distinguer l’arbre de la forêt. Qu'est-ce qui pourrait faire grimper la cote d'approbation des libéraux? Qu'est-ce qui pourrait renverser le gouvernement? Quelle pourrait être la question du prochain scrutin?De toute évidence, personne n'a de réponses à cela. Le dernier sondage Léger donne le Parti libéral à 32%, en hausse de 2% par rapport au mois dernier, tandis que le Parti conservateur et le NPD se retrouvent respectivement à 33% et 20%, tous deux en baisse d'un point par rapport au mois précédent. En d'autres termes, les choses sont les mêmes qu'en 2021.L'opposition a donc besoin de quelque chose pour sortir de l'impasse. Et cette semaine, le chef conservateur Pierre Poilievre pense l'avoir trouvé, sous la forme de taxes fédérales sur le carbone.Poilievre menace de retarder l'adoption du budget fédéral à moins que le gouvernement ne présente un plan pour le ramener à l'équilibre «afin de faire baisser l'inflation et les taux d'intérêt» et annule toute augmentation future de la taxe sur le carbone. Ces deux choses ne se produiront pas, mais Poilievre pense que les problèmes sous-jacents – les dépenses excessives et les taxes excessives – feront basculer la colère des Canadiens.Et c'est parce qu'il a les chiffres de son côté. Il y a deux semaines, le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, a publié un rapport montrant que d'ici 2030, les taxes sur les carburants imposées par le Règlement sur les combustibles propres (RCP) du gouvernement coûteront aux familles canadiennes entre 231 $ et 1008 $ par année, selon le revenu du ménage. Giroux déclare en outre que les ménages à faible revenu souffriront davantage de la taxe car elle représente une part plus importante de leur revenu disponible et a qualifié le RCP de «largement régressif».Le gouvernement a aussitôt riposté au directeur parlementaire du budget. Le ministre de l'Environnement Steven Guilbeault a qualifié ses conclusions de «déséquilibrées» parce que sa modélisation ne tient pas compte du coût des changements climatiques. Mais le directeur parlementaire du budget a fondé ses calculs sur les chiffres fournis par le ministère même de Guilbeault, dont les estimations montrent que la nouvelle réglementation augmentera le prix de l'essence et du diesel en 2030 jusqu'à, respectivement, 17 cents et 16 cents le litre et diminuera le PIB réel au Canada de jusqu'à 0,3%, soit 9 milliards de dollars, en 2030.Tout cela s'appuie sur le rapport précédent du directeur parlementaire du budget, déposé en avril, selon lequel les Canadiens seraient moins bien lotis en raison de la taxe fédérale sur le carbone, car elle ferait baisser les salaires et augmenterait le coût des biens et des services. Ce qui contredit les promesses du gouvernement selon lesquelles le coût de la taxe pour les familles serait compensé par des remboursements.Le problème n'est donc pas simplement une augmentation des impôts, mais le fait que le gouvernement induit les Canadiens en erreur quant à leur impact. Ce gouvernement a eu suffisamment de problèmes d'intégrité au cours des sept dernières années; il n'en a pas besoin de plus. En particulier, des problèmes qui se feront sentir chaque fois que les Canadiens feront le plein d'essence.En tant que question de scrutin, les taxes sur le carbone pourraient être gagnantes pour les conservateurs. Un sondage effectué pour Politico l'année dernière a montré que seulement 21% des électeurs conservateurs sont «très préoccupés» par le changement climatique, contre 48% et 58% des électeurs libéraux et néo-démocrates, respectivement. Deux électeurs conservateurs sur cinq ne sont pas du tout préoccupés ou pas trop préoccupés par la question. Lorsqu'il s'agit de motiver la base conservatrice, une taxe régressive d'un gouvernement menteur, pour lutter contre un problème peu prioritaire, pourrait être la solution.Il pourrait également y avoir un appui parmi les électeurs incertains, s'il s'avérait que les taxes sur le carbone et le carburant sont non seulement des ponctions fiscales inefficaces, mais aussi une perte de compétitivité canadienne, maintenant que les États-Unis subventionnent les énergies alternatives comme les batteries de véhicules électriques. Les Américains n'ont pas de taxe fédérale sur le carbone, de peur de nuire aux pauvres. Pendant ce temps, leurs émissions ont diminué de 20% depuis 2005, tandis que celles du Canada ont chuté de 8,4%.Il ne fait aucun doute que le monde doit faire quelque chose contre les changements climatiques; des nouvelles sont parues cette semaine sur la récolte de pêches décimée en Géorgie et le décès en Chine de milliers de carpes dans des rizières surchauffées. L'inaction nous coûtera cher, mais le mauvais type d'action aura le même effet. Et il y aura toujours un prix à jouer librement avec la vérité. C'est ce sur quoi Poilievre parie – et il pourrait bien remporter sa mise.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post