Il est risible pour les libéraux de dire qu'ils ne «toléreront pas» l'ingérence chinoise
«Persona non grata». Dans les cercles diplomatiques, ces trois mots sont l'équivalent de l'excommunication. En vertu de l'article 9 de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations diplomatiques, dont laquelle le Canada fait partie, un pays peut déclarer tout membre du corps diplomatique d'un autre pays persona non grata «à tout moment et sans avoir à motiver sa décision». Cela est considéré comme «la forme de censure la plus accablante qu'un pays puisse imposer aux diplomates étrangers».Expulser un diplomate est donc une grosse affaire. Et c'est encore plus important quand ce dernier vient d'un pays avec l'influence et l'arrogance de la Chine. Ce qui explique probablement pourquoi il a fallu cinq jours au gouvernement canadien pour décider d'expulser le diplomate chinois Zhao Wei. Zhao a été accusé par le SCRS d'avoir comploté pour intimider le député conservateur Michael Chong, un critique virulent des violations des droits de l'homme en Chine, en menaçant les membres de sa famille à Hong Kong.La nouvelle a été révélée la semaine dernière et a provoqué tout un tollé, en partie à cause du refus initial du premier ministre Justin Trudeau de dire quand il avait été mis au courant des menaces. Trudeau a par la suite rejeté la faute sur le SCRS, affirmant qu'il n'avait pas transmis l'information à son bureau et qu'il n'en avait eu connaissance que «par le biais de reportages dans les médias». Par la suite, les Canadiens ont appris que le SCRS avait en fait informé, en 2021, l'agent de sécurité nationale de Trudeau, qui travaille au Bureau du Conseil privé, qui lui relève du cabinet du premier ministre.Quarante-huit heures et beaucoup d'indignation plus tard, le gouvernement a envoyé Zhao faire ses valises. La Chine n'a pas tardé à riposter: le lendemain, elle a annoncé l'expulsion de la diplomate canadienne Jennifer Lynn Lalonde, consule du consulat général du Canada à Shanghai. Dans les heures qui ont précédé son expulsion, le gouvernement chinois a menacé de «répondre résolument et avec force» si Ottawa «continuait d'agir de manière imprudente» et a accusé les médias et les politiciens canadiens de «fabriquer de fausses informations».En destituant Zhao, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a déclaré: «Nous ne tolérerons aucune forme d'ingérence étrangère dans nos affaires intérieures». Ce qui est presque risible, car ce gouvernement, et tous ceux avant lui, le tolèrent depuis maintenant des années.Les membres de la diaspora chinoise tirent la sonnette d'alarme sur l'ingérence, sous forme de menaces, d'intimidation et de coercition, depuis des décennies. Le Canada a autorisé des postes de police chinois à s'installer au Canada, dans le but de «rapatrier» (c'est-à-dire kidnapper) des dissidents et d'autres personnes qui causent des problèmes au régime chinois. Le SCRS a mis en garde contre l'ingérence chinoise dès 1997 – et les avertissements sont tombés dans l'oreille d'un sourd.La question est pourquoi? Et la réponse est simple: l'intérêt personnel, de la part de notre nation et de certains individus. À l'échelle commerciale, l’intérêt personnel à développer le commerce avec la Chine et à diversifier le marché pour nos biens et nos ressources. A l'échelle personnelle, l’accès à des biens de consommation bon marché et à des opportunités professionnelles. Sur le plan académique, des investissements pour des universités à court de liquidités et l'inscription de milliers d'étudiants.Et à l'échelle politique, le désir de gagner des élections – ou plus exactement, de ne pas les perdre. Lors des élections de 2021, plusieurs députés conservateurs ont déclaré avoir été pris pour cible après s'être prononcés contre la Chine. Le chef conservateur Erin O'Toole a également subi des représailles pour sa position.Tout cela explique pourquoi le gouvernement libéral actuel a attendu cinq jours pour expulser Zhao. Les répercussions sont réelles et elles viendront. La question est de savoir si le premier ministre et, par extension, les milieux d'affaires, politiques et universitaires, auront le courage de les surmonter.Que vaut notre démocratie? 19 milliards de dollars d'exportations annuelles de produits agricoles et de matières premières? 100 milliards de dollars l’an dernier d'importations de biens allant des vêtements bon marché à des produits électroniques? Les 5 milliards de dollars contribués par les étudiants chinois à l'économie canadienne en 2018?Il ne fait aucun doute qu'adopter une ligne dure vis-à-vis de la Chine a un prix et nous avons beaucoup à perdre. Mais si notre pays est compromis, nous perdrons davantage. Et si nous ne parvenons pas à protéger nos concitoyens contre l'intimidation et le harcèlement, qu'il s'agisse d'un député ou d'un électeur moyen, nous faillirons non seulement à notre démocratie, mais aussi les uns aux autres.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post