Danielle Smith fait obstacle à la réforme de la santé

Pour les commentateurs politiques, la première ministre de l'Alberta, Danielle Smith, est le plus beau cadeau que l'on puisse se faire. Qu'il s'agisse de la guerre en Ukraine, de l'oppression des non-vaccinés ou du limogeage de l'ensemble du conseil des services de santé de l'Alberta, chaque fois que Smith monte sur le podium, elle dit ou fait quelque chose qui suscite une vague d'indignation – et fait paraître le reste des premiers ministres du Canada comme des êtres tout à fait rationnels par comparaison.Dans une vidéo largement diffusée sur les médias sociaux, elle a décrit comment les Albertains devraient tous avoir des comptes d'épargne-santé pour payer les soins. Ceux-ci seraient financés en partie par l'État, mais aussi par des particuliers, leurs employeurs, leurs familles, voire tous ceux qui pourraient épargner quelques sous. La vidéo s'appuie sur un article publié par Smith en 2021 pour The School of Public Policy, dans lequel elle écrit: «Selon moi, la totalité du budget des médecins de famille devrait être payée à partir de comptes d'épargne-santé… La refonte fondamentale qui doit se produire dans les soins de santé est de créer un système centré sur le patient… Il doit déplacer le fardeau des contribuables vers celui des particuliers, de leurs employeurs et de leurs compagnies d'assurance.»Mme Smith n'a pas tort lorsqu'elle dit que le système doit être davantage centré sur le patient. Elle a également raison lorsqu'elle dit que le système doit trouver une autre façon d'assumer ses coûts. Mais comme un taureau dans le proverbial magasin de porcelaine, les mots qu’elle a utilisés et son manque d'empathie ont mis fin à toute possibilité de discussion rationnelle sur le sujet. L'image laissée dans la tête des gens est celle de patients suppliant de l'argent de leurs proches pour qu'ils puissent se rendre aux urgences une fois qu'ils avaient épuisé les 375 $ que le gouvernement avait mis dans leur compte de crédits-santé (CCS). Elle a depuis déclaré que les gens ne pouvaient utiliser leurs comptes que pour des services qui ne sont pas couverts par l'assurance maladie publique – mais seulement après que ses déclarations antérieures aient été rendues publiques.Un système centré sur le patient ne consiste pas à ce que les patients paient de leur poche pour des services: il s'agit d'argent qui suit le patient dans le système. À l'heure actuelle, la plupart des hôpitaux au Canada reçoivent un financement global, réparti en fonction de la démographie de la population desservie par l'établissement. Cela signifie que chaque patient qui franchit la porte représente un coût et non un avantage. Plus un hôpital traite de patients, moins il peut allouer d'argent à chacun d'entre eux à partir des fonds disponibles.Cela mène au rationnement et au triage. Cela signifie que la capacité reste inutilisée; par exemple, il peut y avoir un bloc de financement pour seulement 10 interventions chirurgicales par semaine, qui prennent trois jours à effectuer. Les deux autres jours, les lits restent inutilisés et les médecins, bien qu'ils puissent être disponibles, ne peuvent être payés pour effectuer d'autres interventions chirurgicales, car le financement est épuisé. Il en résulte une capacité sous-utilisée et des listes d'attente trop longues. Un système centré sur le patient ferait en sorte que l'argent suivrait le patient; en d'autres termes, l'hôpital serait remboursé pour chaque patient qu'il traiterait. Cela inciterait les hôpitaux à traiter plus de patients, et non moins, et créerait une concurrence entre les établissements, encourageant l'innovation et des soins de meilleure qualité.Un système centré sur le patient permettrait également aux patients de choisir comment ils veulent se faire soigner, en ayant à leur disposition des options publiques et privées pour tous les services, pas seulement ceux qui ne sont pas couverts par l’assurance-maladie. Les tribunaux ont déjà statué qu'au Québec, les patients devraient avoir ce choix pour plusieurs opérations, dont la chirurgie de la hanche. Les comptes d'épargne-santé et les assurances privées peuvent aider à payer ces choix; ils existent actuellement au Canada pour payer des choses qui ne sont pas financées par le système public, y compris une chambre privée dans un hôpital, par exemple. Mais ils devraient représenter une option, ou un ajout, et non pas une exigence comme l'aurait fait Smith, pour obtenir des soins. Personne ne devrait se voir refuser des soins en raison de sa capacité de payer.Les coûts des soins de santé ne sont pas un fardeau, comme le décrit Smith: ils sont une forme de contrat social nécessaire à une société moderne et fonctionnelle. Oui, nous devrions tout mettre en œuvre pour les contenir, et il ne devrait pas y avoir de vaches sacrées. Mais les termes utilisés par la première ministre nuisent au débat plus qu’autre chose. Et ils sont aussi très ironiques. Si Mme Smith veut vraiment que les gens assument la responsabilité personnelle de leurs soins, elle devrait prêcher la prévention, comme les responsables de la santé publique qu'elle a licenciés. Portez un masque dans les espaces publics achalandés. Lavez-vous souvent les mains. Faites-vous vacciner. Essayez de ne pas contaminer les autres. Mais bon, ce serait un faux message dans son nouvel univers de soins de santé chacun pour soi.Lire la version originale anglaise de ce texte sur le site du National Post

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